le rêve des enfants invisibles (extrait final d'une anthologie onirique réalisée avec le collectif eskandar, au collège de Navarre Evreux)
Publié le 20 Février 2018
Il y a au collège d'Eskandar
si vous restez seul, le soir
si vous le faites une nuit
si vous osez
ou même la journée quand tous les stores sont baissés
et que vous trainez au hasard des couloirs obscurs
Des ombres qui se promènent
Pas tout à fait des fantômes, pas tout à fait des esprits
Des créatures difficiles à placer dans le visible
Quand on les interroge
Elles répondent toutes qu'elles s'appellent
Navarre
Navarre
Navarre
Navarre comme le nom d'une région disparue entre l'Espagne et la France
Navarre comme le nom d'un roi de cette région qui à 9 ans avait déjà changé neuf fois de religion
Navarre comme un couteau, la Navaja
qu'elles utilisent pour trancher les cauchemars quand ils deviennent trop pressants
trop urgents
et, bref, ces créatures habitent le collège
certaines racontent qu'elles suivent les cours attentivement et obtiennent tous les ans de très bonnes notes au brevet
d'autres tirent des boulettes aux profs et s'amusent de voir des élèves punis à leur place
Certaines donnent cours, silencieusement.
Elle circulent en dansant, elles froissent à peine l'air, il faut tendre l'oreille très fort, pour les entendre
Elles s'entretiennent aussi régulièrement et en toute illégalité avec les exclus de classe.
Elles absorbent.
Elles sont en lien, dit-on, avec le poissonnier de Cora qui leur révèle l'avenir
qui lui apparaît par visions
C'est ainsi qu'elles savent toujours quand il y aura des frites à midi, par exemple.
On peut les appeler des messieurs et des dames du rêve comme il y a eu des dames pipi
dans le temps
elles assurent la permanence
et continuent à trancher à vif avec leurs couteaux
dans les cauchemars trop oppressants
trop urgents
*