la belle d'avril

Publié le 18 Septembre 2006

LA BELLE D’AVRIL (LES YEUX)


Il est jour encore je pars à la recherche de la Belle de Mai… (la Belle de mai, qui est la belle de mai je cherche la belle de mai…). Dans le bus le chauffeur demande aux femmes qui montent de payer leur voyage par une danse. Je suis assise à l’avant, il m’explique plusieurs fois mon chemin, mais pas qui est la belle de mai.

Rue de la belle de mai… qui est la belle de mai (me demandai-je…), c’est une petite belle de rue qui grimpe un peu, une femme noire avec la peau tachée, qui m’emmène là où je veux aller, moi, la parisienne, au théâtre en friche.
Elle m’y conduit et m’arrêtant devant le numéro de cette salle, j’ai déjà peut-être l’intuition qu’il ne s’agit pas de l’endroit, mais peut être de mon étoile. Il est jour encore je rentre, traverse un tout petit théâtre vide, me dirige vers la pièce du fond où des gens sont réunis, bières et pétards, petite fête, bons enfants. Je sais bien alors que je ne suis pas arrivée là où j’aurais dû, mais bien là
précisément
où j’aurais dû, car qu’est ce que je cherche… ? (si ce n’est la belle de mai)
Mais qu’est ce que je cherche ?
me demande un grand garçon au crâne brillant.
Je lui dis. Il répond mais surtout derrière lui une fille bière assise sur tabouret haut m’explique la nouvelle adresse de l’endroit, théâtre friche, belle de mai. Le grand crâne brillant me dit qu’il va y avoir ici même un spectacle de marionnettes, et qui sera bien (reste reste, tu devrais rester) de toute façon l’autre spectacle (sax poésie et vidéo, un spectacle pour la parisienne), avec mon retard, je l’ai raté…
La fille bière tabouret haut m’explique le chemin, je frétille gardon à l’intérieur (avril), il sera bien ce spectacle de marionnettes, j’aime beaucoup les marionnettes, et les choses en général, pourtant je me dirige presto vers la sortie, au passage de la porte je reconnais qui brille, derrière le dernier voile du jour, mon étoile, et mes jambes croisent, je suis de nouveau dans la salle bières et pétards.
Le crâne brillant ravi, ses yeux brillent aussi, va me chercher une bière. La fille pétard tabouret haut m’explique où je suis, dans une soirée privée d’un collectif d’associations, mais que je suis bienvenue, mais que c’est privé, mais que je peux rester, bienvenue. Une bière dans la main, je souris à mon étoile gardon, les gens dedans dehors s’agitent.
On me parle un peu, je parle peu. Est-ce que déjà mes yeux (comme ils sont ces yeux que j’ai, insolents, indécents…) se portent sur joli visage qui semble bien (le hâle) (la peau) et reçoivent en retour léger regard fugace, léger mouvement des commissures (pli). Hum… les pupilles frétillent.
Mais
parlons du spectacle de marionnettes (privé). Grand crâne brillant et fille pas mal à l’aise et jolies marionnettes bien vivantes et révolutionnaires. Une marionnette (la belle de mai ?) raconte l’histoire du couturier que tous traitent de TAPETTE ! et qui donc coud la bouche à tous et qui alors peut raconter la fin ? (J’aime bien cette histoire, les lèvres cousues.) Un chien du public aboie. Peut-être qu’il n’aime pas cette histoire parce qu’elle lui rappelle que parfois on emprisonne un peu de la sorte les gueules canines.
A la fin du spectacle je devrais peut-être partir mais je reste. Les voix ne dansent pas, mais sont celles d’errants. Dommage, j’aime bien les voix qui dansent.
Je bois. Je promène mes yeux sur l’assemblée, une ou deux fois ils retombent sur joli visage hâlé (la peau) (les dents), assis à un endroit. (Je crois qu’il attend).
D’autres me parlent, et beaucoup.
D’autres ne me parlent pas.
Crâne brillant tout émoustillé de son spectacle s’émerveille de me voir là encore, ce qui dit bien que sans doute j’aurais dû partir. Je reste. Fille pétard bio m’explique que dans toute soirée (privée) il faut garder la place du voyageur. Je suis le voyageur. C’est bien, mon étoile,  il faudrait que j’aie toujours quelque part RESERVEE, ma place du voyageur.
Mes yeux un peu saouls sur l’assemblée, d’autres me voient, mais ceux que je voudrais, je ne sais pas.
Joli visage (le hâle, la peau, les dents).
On reste à côté pendant que le temps soirée guitare bières pétards bio s’égrène. Et puis quand il n’est pas si tard mais l’heure de partir il me propose d’aller rejoindre verres et potes sur le cours Julien (mais la belle de mai… ?). Je n’ai pas envie de verres et potes, mais de lui peut-être. La fille pétard bio m’explique je crois, avec quelques regards, qu’elle n’est pas contente de moi. J’aurais sans doute dû débarrasser la table de la soirée (privée) plutôt que de voler un garçon errant (privé). Tant pis.
Nuit.
Nuit, la lune devant nous est pleine, phosphorescente. Nous marchons parlons, il fabrique des meubles de l’intérieur avec des matériaux de l’extérieur, il gravit les montagnes.
J’aime assez, nous marchons dans la nuit passage le long des voies rails tunnels ouf les rails compagnons de la nuit les rues comme la nuit est douce o toute douce, la nuit-
Nous ne trouvons pas la belle de mai ni verres et potes ; dommage. Je me mets à guider. Un pub bien crade où de VRAIS marseillais suivent bourrés un concert du VRAI Johny Halliday sur énormental écran, un de ces écrans gigantesques plats qu’on trouve maintenant dans tous bars luxe et miteux, et qui fait je ne sais pas pourquoi que tous ces bars luxe et miteux ont l’air bien sale. Bières blanches et jaunes au fort goût de produit vaisselle, nous rions.
C’est la tyrannie des jambes et des pieds, (c’est incroyable d’avoir des pieds et de marcher !), je veux juste aller. Il me suit et marmonne parfois quelle belle rencontre… (je ne réponds pas). Une belle rencontre la belle nuit d’avril, moi je parle de l’ébahissement devant la mer. Il me parle de l’ébahissement devant la mer. Nous montons vers un fort enveloppons le vieux port du bonheur de nos yeux. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit… La nuit avance, très idéale. D’avoir parlé de la mer j’ai très envie d’elle de près et surtout de son bruit. Je guide vers les anses. Il me dit que je ne peux pas partir sans avoir vu les VRAIES calanques ; lui il gravit, et demain il m’emmènera, et même sans maillot de bain je me baignerai dans la mer, et c’est vraiment une belle rencontre ; je ne tourne plus jamais les yeux vers lui car je sais que sans cesse ils me suivent m’attendent pour m’attraper, c’est leur tour… nous marchons les mouettes geignent et ricanent près et loin de nous. Il est bientôt 3 ou 5 heures du matin. La nuit avance nous marchons sur la corniche.

Tout à coup Ciel la grande affiche de Zidane
a disparu et nous sommes vraisemblablement les premiers témoins du crime. Mais nous n’allons pas déposer, mais descendons à L’anse de Malmousque, celle où déjà de jour, j’avais tant entendu la mer… je l’y conduis. Je l’aime bien mon compagnon, il est parfait dans cette nuit.
Mal assis sur les rochers coupants. Le bruit de l’eau (le bruit de l’eau lui dis-je, car c’est cela) et la lune au-dessus de nous est pleine phosphorescente, d’un éclat incroyable comme si elle brillait derrière un voile transparent. D’un éclat vaporeux. La voie qu’elle trace dans l’eau. C’est donc la belle d’avril. Il parle aussi de la Bonne Mère qui veille sur le port, mais moi cette Dame, je ne la trouve pas belle ni même réconfortante, je la trouve militaire, plantée au dessus de sa basilique.
Nous avons les errances à la bouche. Mon compagnon de nuit est un voyageur. Je devine que son corps est tout fin mais solide. Et dur. Il gravit. Je peux le briser entre mes jambes, émietter ses os, poudre. Je ne tourne pas mes yeux vers lui ça l’enrage je le sais, car il attend de les attraper. Mais moi, est-ce que j’ai envie d’autre chose que de ce moment là, précisément idéal, lumineux dans le bruit noir de l’eau, sous la lune, la peau et les muscles endoloris, les joues doucement fouettées par le vent…
Je le laisse se dépêtrer dans sa situation. Avec le bruit de l’eau le temps ne passe pas je crois, nous sommes mal assis dans les rochers et nous n’avons pas froid. L’un contre l’autre sous l’aile de la nuit. La belle d’avril. Et puis il se lance, choisit les mots plutôt que le geste. J’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui choisissent les mots, car moi je suis incapable de prononcer ces mots là. Je ne sais pas y répondre non plus, je souris et me débats à mon tour dans la situation. Nous empêtrons nos maladresses c’est mignon en cherchant un chemin l’un vers l’autre et finalement les bras, les corps,
et les bouches.
Hum...
Sa bouche est très bonne. Ses lèvres sont épaisses et tendres, avec le goût du sel. Hum. Sa bouche est très chaude dedans. Nos bouches s’entendent, je ne pensais pas, et il ne se retire pas, il reste, il n’a pas peur d’embrasser longtemps (les lèvres chaudes des adolescentes).

Hum. Le désir gravit. La lune, phosphorescente.
Les mouettes ricanent de notre situation idéale. Nous restons mal assis corps endoloris dans la nuit silence, enfin, le vrai silence, rempli du bruit de l’eau. Morceaux de nos corps sur les rochers coupants, lambeaux arrachés pendant l’amour, le sexe dans la douleur ensanglantée des chairs qui se déchirent déchiquettent sur les couteaux rochers. Il faut pénétrer la nuit (me dis-je).
Les mouettes voient du sang dans les vaguelettes. Taches sombres dans l’eau noire. 

Les lèvres chaudes jusqu’à repartir mais une fois debout finit quelque chose car nos corps éloignés se livrent au froid, à la faim aussi, à la fatigue. Nous trouvons encore le bruit de la mer à écouter, de très jolies choses à regarder très laides aussi. Tout à coup la nuit ne va  t-elle pas finir ? une angoisse de petit garçon...  La nuit est si noire, la lune est si haute. Mais les premiers chants des oiseaux, nous ne sommes pas loin du début du jour, marchons jusqu’au jour (lui dis-je), je le caresse de mots et ainsi remontons sur la corniche, les premières lumières des hommes,
le rassurent.
Nous sommes tous deux pris de cette faim très violente des marcheurs au petit matin. Et rien encore n’est là, le monde coquillage ne s’ouvre pas encore à nous, étrangers de la nuit. Nous avançons et miracle, au tournant d’une rue, lumières éclatantes de deux boulangeries ! Nous allons à la première, choisissons la deuxième, LE PECHE MIGNON (la belle de mai ?)… et trouvons, caverne d’ali baba, des extraordinaires trésors extraordinaires, il faut que je vous dise, compagnons des aubes, des VRAIS croissants dont les extrémités sont recouvertes de VRAI chocolat. Hum... C’est Pâques…
JESUS NOUS GÂTE !
Nous dévorons et avec les croissants au chocolat
fond la mauvaise humeur finit
la nuit idéale…(la lune, la lune, tandis que je ne regardais pas, la belle phosphorescente d’avril s’est échappée…)
(je ne mords pas à pleine bouche dans sa bouche pleine chocolat trouver retrouver le goût de sel sous la langue croquée chocolat à pleines dents sous le sel, moi qui ai pourtant
la bouche si
sucrée.)
Nous buvons encore un café gigantesque et quand finalement il demande s’il peut monter avec moi en haut de la colline d’Endoume passer un moment
avec moi, la belle de mai… (je mens, je mens, mais n’aurait-il pas dû m’appeler la belle de mai, ou d’avril…n’aurais-je pas dû lui souffler… ?)
bien sûr je dis le Oui des femmes car à la question de savoir si je comptais revenir, j’avais baissé les yeux ; bien sûr je dis oui car surtout j’ai du désir logé dans le ventre.

En haut de la colline nous baisons dans la fatigue du matin. Il est grand jour, nous baisons du bout des corps. Son corps est fil dur, sa bouche est bonne, il est si fin, je peux le briser entre mes jambes… C’est doux et gentil. Le compagnon de Marseille. Il propose encore la  journée, ln soir encore, mais que ferai-je d'encore une journée, toute une nuit, moi qui n’ai pas trouvé la belle de mai… Est-ce qu’il voit tout cela dans mes yeux, et l’errance, et l’étoile. Nous nous quittons en haut de la colline d’Endoume, dans un vague sourire.

C’est le lendemain que la Parisienne est emplie d’une joie si triste en descendant la colline. Si triste de rentrer alors qu’elle aime tellement chaque pas qu’elle fait dans chaque lacet de rue… Ses pas la ramènent à Malmousque. Sur un banc en face de l’eau elle s’allonge, le grand Soleil n’est pas là, les yeux clos. Elle les ouvre et tombe dans un regard bleu… Elle ne tombe pas du banc. Ce regard reste comme ça bleu, papillon, et puis tout le visage s’ouvre en un extraordinaire sourire. Elle ne tombe pas du banc. Elle n’a pas le temps de sourire en retour que le regard bleu déjà s’envole
s’est envolé… O…
Elle marche. Un peu plus loin, dans une rue étroite, une moto passe et s’arrête quelques mètres devant elle. Le conducteur se retourne la reconnaît et encore de ses yeux… Et il sourit encore (je meurs, je meurs) et il repart. Le bruit de l’eau
apaise à peine sa peine car son cœur est triste si- … O… infiniment…
le regard bleu est parti et pourquoi ne pas l’avoir emmenée O ces regards tous ces regards ces yeux qu’ils ont
j’aurais voulu les boire et les casser
comme ils sont
j’aurais voulu les plonger dans une fournaise de glaives
et j’aurais voulu broyer tous les os
comme ils sont
et arracher toutes les langues
et liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les
regards
qui m’affolent
(qui m’affolent.)

grands…
(on y voit le monde)


(qui est la Belle de mai ? Je ne l’ai trouvée en haut ni en bas d’aucune colline et la Mère supérieure dinguedongue de toutes ses forces et couvre un temps
-
le bruit de l’eau.)

Métie N.

Rédigé par Métie Navajo

Publié dans #barataria

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