journal d'une envoleuse (poésie du quotidien un peu triste)

Publié le 1 Juillet 2008

Il fait très chaud . Les joues brûlent du soleil. Comment suis-je ? Heureuse des rues ensoleillées, des jouissances passées, triste de l'enfermement à venir, luttant contre cette tristesse, tout à coup très désireuse d'amour
(à éprouver et partager.)

(l
'amour ne veut pas la durée, il veut l'instant et l'éternité)

Je porte avec moi les Détectives sauvages, compagnons mexicains du réal-viscéralisme... (Un gros livre sensuel qui donne aussi très envie d'aimer.)

Soldes.
(De ces jours où l'humain que l'on croise dans les rues semble si foutu qu'il faudrait le solder mais qui en voudrait je préfèrerais encore un mannequin de plastique blanc)

Je pars dans deux petits jours
(les jours sont immenses, s'échappent récalcitrants et semblent alors si petits...)

je sais ce que je vais faire.
une petite action poétique dédiée à mes récents compagnons de fête.
(la poésie c'est l'apogée du grand jeu sur la vie quotidienne) .

 Je rentre dans un magasin à étages. Il y a du monde mais pas tant que ça pour une période de soldes ça pourrait être pire. Je me laisse porter par les escalators jusqu'au troisième niveau. Il y a encore moins de monde, normal c'est l'étage des livres. De mes yeux myopes je cherche le rayon Littérature. Je passe les étalages centraux pleins de lectures d'été bandeaux rouges prix trucs et machins, guides touristiques et antitouristiques, recettes légères... je ne me laisse pas déconcentrer. Qu'est-ce que je cherche déjà? Ah oui, l'expiation d'un petit péché... mais gardons ça pour la fin... A... B... C.... Je pense à Y.H. aperçu dans la nuit de samedi à dimanche, au Cercle. H. Je le trouve, je ne savais pas qu'il avait déjà écrit tant de livres. Sur Cercle un gros bandeau du Prix .?.. (j'ai déjà oublié), puis Intro à la mort française. Cercle est un peu gros pour les circonstances. J'ai envie d'évoluer parmi les avalanches mais la couverture Infini est un peu abîmée... Je demande à une vendeuse de chercher pour moi un autre exemplaire. C'est une très jolie femme asiatique, même avec le gilet vert de fonction et rigueur ils n'ont pas réussi à l'enlaidir. En attendant je continue... J...K.. S. suis d'humeur à réessayer l'idole Soler. Son étagère est pleine de livres de poche, une consécration... Que m'ont-ils dit d'essayer déjà... Le Coeur absolu non? N'y est pas. Je ne sais plus... Voilà Femmes. En poche. Soit, Femmes, en poche. Je tourne la tête et voilà la vendeuse qui avance me cherchant, tournant la tête d'un côté puis l'autre, c'est drôle elle ne me voit pas alors que je suis juste en face d'elle... Je lui fais un signe et l'appelle doucement, ça y est, elle rie et s'excuse, elle est myope et comme moi ne porte pas de lunettes... Pas d'autre exemplaire des avalanches, elle me propose de chercher sur l'ordi dans tous les magasins de France non non merci alors gommer les petites traces sur la couverture...? la voilà prête à attaquer le livre d'une gomme lame ou machette à l'instant même non non merci ça ira très bien, je vais prendre l'Infini abîmé tel qu'il est ah me dit-elle mais c'est pas pour offrir au moins ? si si c'est pour offrir mais seulement à moi je prends le risque de l'Infini un peu abîmé.. Son joli sourire perplexe sous ses yeux myopes. Je continue carrément prise de zèle jusqu'au Z...  Rien (non pas que j'appelle Rien Florian Zeller...)  Rien. Alors quoi? H? mais en anglais, ils ont quelques livres en langue originale (ils disent en "version originale" pour que ça fasse plus cinéma...). Aucun de ceux qui m'intéresse. Je prends quand même Fiesta: The Sun Also Rises...  Il y a une citation de la vieille Gertrude en exergue. On verra.

Quoi d'autre?

-Avec les Mexicains baiseurs soûls de la fête en quête de faux mystères, Les Quatre brigands du Huabei roman d'aventures chinois offert par mon ami M. qui voudrait traduire toutes les langues, ça devrait aller (pour trois interminables semaines d'enfermement me laissera t-on ne serait-ce qu'une ou deux minutes m'échapper...)
(l'angoisse du retour aux chaînes, ça faisait si longtemps, j'en perds le sommeil et quelque gaiété)

Mais j'allais oublier l'essentiel.

Je feuillète consciencieusement les trois livres, mets fiesta et avalanches dans mon sac plastique, garde les femmes en poche bien en main et me dirige vers les rayons opposés. - Apparemment certains beaux livres ne sont pas de la littérature.-  En passant je découvre qu'il existe maintenant dans le prolongement des collections Détectives Série Noire Polar SF Horreur une collection ROMANS DU TERROIR
(!)

Mon dieu (comme dirait l'autre) c'est franchement hilarant. J'imagine qu'ils y ont collé pauvre Giono à côté Pagnol Seignolle quien sabe qui d'autre dans une sé
lection de livres du terroir, patrimoine et traditions, romans régionaux, guides pratiques jardinage, recettes de cuisine... Je ne vais pas voir, j'ai des choses plus importantes à faire.

Sciences humaines et sociales donc. Religion (ça se précise...). Judaïsme. Je suis myope mais là c'est facile de voir qu'il n'y a pas d'Infini sur les étagères. Zut. S'il n'y est pas ça craint, je n'aurais pas le temps d'accomplir mon oeuvre avant mon départ... Je me retourne vers les tables... Si, le voilà, ouf, le livre des Maries, en trois ou quatre exemplaires ainsi présentés offerts au lecteur errant. Bon, j'en prends un, le troisième.

C'est déjà bien lourd. Je me laisse descendre par les escalators jusqu'au niveau O. Il y a du monde, pas mal de monde mais pas non plus la foule disparaissante idéale. Configuration des parties : les files aux caisses, le comptoir billeterie après-vente juste à la sortie, les vigiles aux portes vitrées. Moment de doute, est-ce que quand même j'en achète un? le poche, parce qu'un poche normalement ça ne se vole pas...( Ethique: ne pas agir par nécessité (autre que la nécessité de lire le livre) mais toujours par plaisir; ne pas se produire dans les librairies tenues par des gens bien (...); ne pas s'encanailler avec des livres de poche, n'en valent pas la peine). Mais il y a trop de monde... Tant pis, une exception à la règle.
J'ai fiesta et avalanches dans un sac en main droite, femmes et Maries dans la main gauche. Je passe le comptoir billeterie, entre la frontière alarme anti-vol (ça ne sonne presque jamais un livre, ce n'est pas dangereux...), le vigile me dit au revoir en souriant, je lui fais un au revoir poli, le jeune homme devant moi me tient la porte parce qu'il voit bien que j'ai les mains prises, je le remercie et me voilà à nouveau sous les rayons du grand soleil, si intenses, j'en ai les joues toutes brûlantes...

J'aimerais un jour publier un livre pour pouvoir l'envoler, ainsi voir si ça fait des émotions différentes.
 Réparation est faite, avec prise de butin et mode d'emploi, je pense que je suis pardonnée...

J
'ai idée de ce que je pourrais faire du second livre des Maries, je commence les avalanches sur un banc, évidemment c'était à peu près sûr que celui-là allait me plaire, un livre ainsi amoureux et joli, autre chose que les tonitruands du Mexique, je n'ai aucune envie de quitter Paris en soldes. La nuit je dors mal je lis la question m'est pour ainsi dire sortie toute seule : tu as couché avec Maria? Sa réponse (mais quel profil magnifique et triste avait Peau Divine) a été destructrice. Il a dit : j'ai couché avec tous les poètes du Mexique. C'était le moment de se taire ou de le caresser, mais moi je n'ai fait ni l'un ni l'autre, au contraire j'ai continué à lui poser des questions, et chacune des réponses était pire que la précédente, et me faisait sombrer un peu plus j'entends la pluie tomber à grosses gouttes et une vague tristesse me gagne la mélancolo oh non je m'entends poser des questions au bonheur oh non des questions je sens que j'ai du mal à résister que mon bonheur bonheur si insolent depuis le retour du Mexique cède le pas cède...


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Rédigé par Métie Navajo

Publié dans #journal parisien

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