jour (ouverture)

Publié le 5 Juillet 2013

 

- Vous êtes la fille qui fait des câlins aux arbres!

- Oui! ça alors, vous m'avez retrouvée!

Elle sourit largement, ravie d'être reconnue pourtant si loin de son tilleul. Le type a la même bonne tête, la même odeur de tabac froid, mais elle ne l'aurait pas remis. La matinée, qui commençait mal, qui ne commençait pas plutôt, puisqu'elle n'était que la suite d'une nuit infinie sans sommeil, s'ouvre et devient chantante aux petits oiseaux. 

- Vous avez donc changé de square? dit l'un

- Je m'occupe de tous les squares du quartier, je tourne... dit l'autre

Le type est bourru et gai, souriant, du genre heureux.... La fille a étiré ses pensées en courant, pris l'air du matin, et affiche un vague air coupable parce qu'elle n'est plus aussi fidèle au square idéal, la pluie, vous voyez, les pluies, et puis...

- C'est moins joli maintenant, vous avez laissé l'herbe mourir, pourquoi?

Avant cette partie du square était décoiffée et aussi sauvage qu'un square peut l'être, elle y manoeuvrait le bâton et embrassait l'arbre au vu de tous, sans être vue (voir les épisodes de la fille au tao etc). Maintenant il arrivait qu'on l'interrompe dans le taolu  pour lui dire que ce qu'elle faisait était aussi impressionnant que dans les jeux vidéos, et même l'ombre délicate sur le bâtiment blanc avait fui. Si elle y allait encore, c'était pour l'arbre...

- Ils veulent en faire un terrain de basket pour les ados (vision d'horreur)... C'est pour ça que c'est à l'abandon... C'est pas facile avec les ados, ils errent dans le quartier, faut leur trouver quelque chose à faire....

Les ados n'occupent les squares que la nuit c'est interdit, à quoi bon leur fabriquer des activités bétonnées de jour. Mais le type est bon, il se préoccupe aussi du sort des ados.

- La fille qui fait des câlins aux arbres... répéte-t-il rêveusement. Vous y allez le matin mais c'est le soir qu'il faut le faire, ça endort...

- Mais non, au contraire, l'arbre donne son énergie, il faut la cueillir le matin...

(Croyez le ou non, c'est cela même qu'elle dit)

Le type acquiesce, puis d'ajouter fièrement : 

- Je suis en vacances ce soir!

et sa fierté d'enthousiasmer l'autre

- Oh, bravo!

qui pense tout de suite à la mer au grand air

- Où donc?

- En Bretagne. La pension la moins chère, c'est la pension de ma mère...

réponse qui à l'écrire semble avoir été fredonnée, mais ce ne fut pas le cas

- En bord d'océan?

- Non...

et l'échange continue encore un peu, mais fort peu, car le bien est fait, la rencontre a eu lieu. Il n'est pas utile de banaliser longuement avec l'homme du square idéal, celui qui appelle la fille taolu comme il faut. A la sortie le petit square gondolé des Spartiates a pris une couleur idéale, et le jour est sauvé.

 

 

 

 

 

Rédigé par Métie Navajo

Publié dans #journal parisien

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