derrière le square

Publié le 19 Septembre 2012

Le bâton couvert par son joli foulard indien, le chemin ébloui de lumière blanche et fraîche, les bruits du matin, une petite dame qui hèle d'autor deux messieurs pour qu'ils l'aident à traverser la rue, mais bien sûr, quelle chance de pouvoir prendre par le bras une belle femme comme vous, quelques pas encore, sans courir, et m'y voilà: rayons qui dessinent l'ombre, le gros arbre qui respire, le square idéal. Les taolus se déroulent lentement, sans précipitation. J'ai bien dormi, déjeuné d'une excellente tranche de pain noir en compagnie du fantôme d'un ange (d'un ange de fantôme?) le sang circule gaiement dans mes veines, le bâton dans les airs, et, à l'arrière-plan, l'arbre m'attend. Quand je vais le rejoindre arrive le gardien du square. Il ne m'a pas vue depuis longtemps, me demande si je fais des infidélités; Des infidélités? Jamais. J'ai dû venir plus tôt ou plus tard, moins souvent. Je n'ai à Paris qu'un square idéal, qu'un arbre avec lequel je mélange mes racines, qu'un gardien de tao qui passe à côté de moi sans mot dire et m'appelle la fille qui fait des câlins aux arbres. C'est un de mes rares lieux, je l'habite et le porte en moi comme certains leur maison d'enfance. Peut-être même que je l'aime trop... Je sens soudain que je vais le perdre, qu'on va encore m'en chasser...- Pourquoi est-ce qu'on laisse l'herbe disparaître? demandé-je au gardien, qui doit connaître les plans secrets des agents de mairie...- L'école en face sera bientôt en travaux, ils prévoient d'installer des cabanes ici pour faire office de cantine pour les enfants.

Des cabanes. Je soupire.- Quand? - Au printemps. L'espace sera bientôt occupé... Et ensuite? Ils ont prévu des aménagements...  Sa phrase reste en suspens. On sait tous deux ce que l'aménagement veut dire: du béton à parking, aire de jeux ou appareils de musculation comme on commence à en trouver dans les parcs parisiens. De toute façon la fin de la paix dans cet ilôt lumineux que tous traversent sans s'arrêter, sans me voir. Tant que l'espace n'était pas aménagé suivant les critères assimilés, il n'était pas visible à leurs yeux. Je suis si seule et nombreuse ici, occasionnellement interrompue par  cowboys et des indiens, à peine dérangée par le passage des travailleurs de l'édifice.

Il a peine pour moi; vous êtes bien tranquille ici, c'est dommage. C'est dommage. Il s'éloigne et je vais respirer dans mon arbre. Lui aussi a quelque peine, mais elle se dissipe vite dans sa sève lumineuse, portée au ciel par ses doigts de feuilles, enfoncée dans la terre par ses racines.


Avec le square idéal disparaîtront les dessins de lumière, l'arbre, le gardien, la fille au tao du square idéal. .

Rédigé par Métie Navajo

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