les bruits de feu

Publié le 21 Septembre 2013

Le démon est piqué aux aiguilles, et, mécontent, attaque méchamment et longuement de nuit, en silence,  tout l'univers autour servant de bruit à le réveiller (elle se souvient des nuits à gravir les escaliers de l'immeuble vers 3h du matin - on dit trois heures du matin pour désigner cette heure glaciale de l'hiver où tout est si noir? - posant sur chaque porte son oreille pour déceler l'origine du bruit. Mais l'origine était dedans). Les aiguilles font mal, de l'une à l'autre on sent parfois  une petite décharge électrique, et il y a cette braise qu'il faut supporter tout près de sa peau, qui chauffe, qui chauffe, qui chauffe... ça brûle! La fille aux mains s'éloigne. Suffit-il de dire "la fille aux mains" pour désigner tout cet être qui travaille, contre lequel je suis pliée et craquée, juste parce que elle a de vraies mains, qui plantent, qui palpent, qui touchent, qui massent dehors et dedans? 

 

Il y à d'un côté la fiction qui repose en dehors (ne l'oublions pas un instant, jamais) tandis que s'ouvre à l'intérieur, dans l'antre organique, le roman policier du corps, un thriller passionnant qui facilement prend les dimensions d'une saga familiale sur plusieurs générations et continents.On y suit les formations déformations et glissements des utérus, les richesses et pauvretés du sang (pauvre sang) (je suis vide de sang, mais ce n'est pas grave, c'est un cas d'école), les coeurs qui battent à peine (vous avez le poul creux disait l'apothicaire chinois, mais à l'époque c'était si vrai que je n'avais pas voulu le croire, et j'avais fui dans les nuits sans sommeil), de peur d'être entendu de trop loin (par le démon?), le foie sans fer qui ne fait pas de sang. Bref, le manque de feu. (vous entendez le sifflement de tous ces -f-?)

 

Pour moi qui suis feu adoratrice de feu et coeur palpitant, c'est bien ironique.

Alors pour me réchauffer la machine, reconstituer les réserves de sang (dit la femme aux mains) il faut renoncer à quelques plaisirs, mais bizarrement, juste derrière ces plaisirs abandonnés revient l'envie du tao bâton soleil, l'appel du square idéal, et comme pour me réconforter apparaît la pleine lune qui s'écoute aux voix argentines et guitare puissamment fleurie (fleurie, j'ai dit fleurie, car hier chaque accord posait sur la lune une fleur, et bientôt nous galopions tous dans la vallée du printemps). Ai-je à ajouter que derrière toutes les voix argentines sucrées et enveloppantes, rauques et émouvantes, opéradiques et usées de murmures, il y a l'éternel souvenir du premier argentin de Paris, vous l'avez déjà vu si souvent dans mes lignes, les longs cils tendus vers l'autre et le sourire à l'âme, qui n'est pas je le sais maintenant j'ai compris le meilleur des musiciens argentins de Paris, mais qui est dans mon être celui qui les rend tous possibles. Et dans chaque air il est là, trouant l'espace, y restant comme l'image du feu sur les yeux, au coeur, aux tympans. 


Mais il faut revenir au démon. Le démon n'aime pas plus les aiguilles que la bête bandonéon, il ne se réjouit qu'aux mauvais bruits de la nuit silencieuse.


Rédigé par Métie Navajo

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