marseille, marseille, marseille...

Publié le 26 Février 2012

Marseille. Inutile de m'appesantir sur mes traces, on le sait n'est-ce pas que je suis montée des vallées-jours vers les nuits et descendue de la colline nuit vers les jours, de la belle d'avril à la Dame de Garde, du petit bruit des eaux de Malmousque mon anse préférée au toit d'Endoume où je désarticule le tao face à la mer qui scintille en se réveillant (elle quitte doucement son tendre voile de brume), passant par le péché mignon du croissant chocolat (il n'existe plus) aux cavernes d'épices de Noailles, sous les rires des mouettes et dans l'écho des slogans, entre les jambes des grands noirs tambourinant, à bord d'un camion emmaüs transportant le soulèvement d'Oaxaca Mexique, ou juste à côté de l'être aimé aussi infiniment que la mer, ou ses fantômes... (Ma ville amoureuse. Comme j'ai aimé à Marseille, joyeusement et passionnément, disons que c'est la ville éperdument amoureuse, comme si se perdait au miroir de l'eau la retenue parisienne, comme si le bruit bleu vaguelottant devait apaiser les coeurs déchiquetés sur les rochers pointues de l'aurore, parfois d'avance, car bientôt les êtres se séparaient et les amours repartaient en avion low cost ou en TGV, et Marseille restait une enclave creusée par le vent, la mer...)

 

En trois heures j'ai changé de saison, le soleil est pleinement là et toutes mes vies se mélangent puis se concentrent en un feu intense, mon visage chauffe aux rayons qui me rendent la morena que je suis, je parcours tous les chemins de ville et la cartographie précise de mes souvenirs, laissant les odeurs et les images éveiller les visages, les sourires, les yeux, les chansons du matin... j'ai la peur vague d'être submergée par la vague d'amours anciennes (bleues, blondes, noires, tachetées de rousseur...), et me sens à l'étroit entre les époques, je déserte (cette ville est toujours une guerre).

 

Deux heures d'ennuyeuses paroles pour s'éloigner de la mer (le prix de l'essence), je retrouve sur des terres plus libres le Chinois dans sa petite caravane de célibataire. Il dispose d'un poêle qui a fait monter les négatives du rude hiver à plus de trente degrés, d'une guitare bleue industrielle chinoise qu'il apprend à faire sonner avec le génial musicien polyglotte, d'un dictionnaire franco-chinois, de quelques livres auquel j'ajoute un Kafka. De quoi aurait-il besoin d'autre? Je le regarde, brun et fort il est devenu si beau à l'air de la campagne, le voilà maître boulanger, hier supervisant la fournée générale il a oublié un pain rond au centre du four, la part des dieux selon une des sorcières modernes qui a les yeux si absolument bleus... Je vais des plantes médicinales aux visages nouveaux ou revenus de temps mexicains, et discutant avec deux femmes splendides (leur rire, leur yeux pétillants, leur liberté bien mûre) j'ai l'étrange envie de vieillir (rare et délicieux sentiment), comme elles... La nuit est piquante sous les étoiles de la voûte que j'effleure d'un doigt, je dors bien et simplement réveillée d'un tendre "ça va méthyka?" de ma chère camarade de route, je fonds de bonheur et entre délicieusement dans le jour... Un tao cynorhodon, des adieux rapides, descendre des collines, descendre la Provence,  

 

Marseille. Je peux me promener sur les côtes bleues sans démons ou plutôt avec cent démons protecteurs qui surveillent mes pas, et aimer la mer qui au fond de sa calanque miroite délicatement, la pierre blanche s'étoile aux rayons du soleil qui décline rose vif, au matin du dimanche à défaut de portugais je bois la noisette au rade des poivrots sur le vieux port en travaux perpétuels (feront-ils de Marseille une carte postale?), les rires des mouettes se mêlent aux rires des Marseillaises... Bientôt Paris, au sommet des escaliers la vue est si belle sur la cité, on se retourne et c'est l'atroce gare refaite à la mode des atroces galeries commerciales TGV, Paris, la Gare de Lyon en phase finale de sabotage TGV-Galeçiale est devenue un labyrinthe cauchemardesque, Paris grise et froide, ensoleillée et tiède, portugaise et blonde rousse en haut des escaliers... Paris que toujours j'aime et déteste, avec ce goût prononcé des ailleurs que l'on effleure du coeur. 

 

 

 

 

Rédigé par Métie Navajo

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