nuit rêvée argentine : aventure sonore des sentiments

Publié le 23 Octobre 2010

Les sous sols s'emplissent des souffles aigus de la drôle de bête bandoneon, d'accords tremblés à la guitare, de voix connues et aimées. Mon coeur s'emplit de mélancolia y alegria. Le poète porteno gitan me dédie la zamba que je préfère (je sais qu'au moment où ses yeux se ferment à demi et que ses cils se tendent vers le ciel les premières paroles argentées vont s'élever, mon coeur se prépare, mais l'émotion me saisit comme si c'était la première fois que j'entendais cette voix pleine d'âme, qui me transperce toute entière) Emportée par la musique vers des amours toujours lointaines et impossibles, je marche dans les rues de Buenos Aires, dans les pas d'un pèlerin fou, je souris dans son sourire, je bats dans son coeur. Il a l'âme aussi vagabonde que moi, non, plus encore, pour cela nous ne marcherons sans doute jamais côte à côte, mais l'un dans l'autre, et nos mots traverseront les océans et me reviendront les scènes anciennes de nos rencontres à Paris, le rire insolent qui heurte les natures mortes (un hommage à Picasso), le froid saisissant d'une nuit noire qui s'oublie sur des lèvres chaudes, sa beauté cernée de bleu quand j'ouvre et le voilà sur le pas de la porte, il a traversé l'Europe et l'Hiver et il vient déposer sur ma couche son coeur tout gonflé d'aventure, riant de son rire fou aux accents plus profonds (il a failli mourir si souvent)... Puis la nuit qui nous enveloppe rougit... Vibrations sonores. Le lancinant bandoneon titille voluptueusement les peines. Je reviens et il part à pied de Buenos Aires vers le Mexique qu'il a tant aimé dans mes mots qui étaient des pas... la voix puissante du poète del Estero ramène la joie, les guitares sont cordes ou tambour, melancolia y alegria, la couleur exacte de mon coeur, un clair obscur d'un sous sol où l'on voyage sur des notes(une aventure sonore des sentiments, serait-ce une manière juste de le dire?). Quand la musique s'arrête reste l'espace qu'elle a ouvert que nous tentons de peupler de gestes et paroles tendres, de rires et d'histoires... Le Nous éphémère est surtout argentin andalou, quelle coïncidence, tous même la morena et le poète aux boucles qui s'échappent de la queue de cheval sommes un peu moins gitans que le Français de Jerez, il bat le rythme dans ses paumes, le vin chilien lourd et tannique monte à la tête, le rythme dans ses mains et bientôt son regard s'anime, j'y vois danser la flamme intense du flamenco, il a presque réussi à finir sa carne asada mais il faut redescendre jouer dans le sous-sol, après tout il n'y a que la musique, que la musique... Et la magie des lois mystérieuses qui tissent le dessous du réel... Je suis ivre et je dois partir, triste de quitter un lieu habité par des poètes, je marche dans les rues froides de Buenos Aires, rêve d'une chacarena qui ferait imploser la Cité de l'histoire de l'immigration, je suis ivre et mon rêve roule dans les six directions de la guitare, je pense à la moza que amé en otros tiempos / la recuerdo en el diapason / vuelve a hacerse emocion / me besa el corazon / y entre alegre y triste se queda mi acento. / (la jeune fille que j'ai aimée en d'autres temps et qui était un jeune homme à la beauté lumineuse, me revient dans le diapason; l'émotion renaît peu à peu et envahit tout mon être, lèvres chaudes posées sur mon coeur, les accents profonds balancent entre tristeza et alegria.)

Rédigé par Métie Navajo

Publié dans #l'ailleurs parisien

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