paysage rêvé

Publié le 5 Juin 2012

Traversée d'une vallée de l'enfance, connue et inconnue. Le sentiment de liberté que donnent une voiture et l'amour, quand on peut s'y livrer absolument, en voir la couleur dans l'âme en face de soi, reflétée dans ses yeux (je suis aussi blond qu'il est brune, ou peut-être l'inverse, car il paraît  qu'on se ressemble). Nous passons l'entrée de l'ancienne abbaye, personne n'est à l'accueil, nous ne faisons pas attention et ce n'est que plus tard que nous comprendrons qu'il n'est plus l'heure ni le jour, que nous sommes donc encore illégaux, sans même l'avoir voulu. Le corps de bâtiments anciens se détache majestueusement sur fond vert mouillé, avec, en contrebas, un long lac noir. Le squelette d'une rosace sans vitraux laisse apparaître des anneaux de ciel gris. Nous ne sommes pas parfaitement seuls. D'étranges créatures colorées ou en costume sombre surgissent parfois à haute voix, téléphone à l'oreille. Sur un panneau à l'entrée de la "Salle des Moines" nous lisons qu'ici aura lieu le dîner de la training formation Thalès. Nous rions. Nous grimpons de petits escaliers en pierre moussue vers un étage dont les murs n'existent plus, contemplons la prairie qui s'étire sagement entre le lac et la forêt, et redescendons. Ils passent tout près de nous et nous jettent des regards étonnés sans réussir à nous voir, tant nous n'avons rien à faire là. Ils semblent joyeux : la journée est finie, ils vont faire un saut à leur chambre d'hôtel pour revêtir des tenues de cocktails, c'est si agréable de se retrouver dans ce décor exceptionnel, dommage que le soleil n'ait pas été de la partie, ils sont bien à Thalès tout de même, ils soignent leurs esclaves... Nous allons parfaitement seuls au milieu d'eux. C'est donc comme  un rêve, ou comme l'invention de Morel : un souvenir d'enfance que je devrais avoir, un lieu où n'existant pas nous sommes les seuls à exister, avec peut-être quelques fantômes d'hommes retirés au désert. (Car les créatures en formation ne peuvent pas être ici, elles flottent dans le Thalès world dont la virtualité spectaculaire se projette partout autour de d'eux, dissimulant toute trace de réalité à leurs orbites creux ) Nous longeons l'eau noire et entrons dans le bois, il fredonne un air breton pour le chevalier à la charette que j'ai dans l'esprit. Nous avançons en dansant doucement, débusquant par mégarde les canards qui vont par couples ou trios de vaudeville, s'envolent des taillis vers le lac où ils se posent en faisant à peine trembler l'eau. La grâce du canard qui marche,vole, et glisse sur l'onde. 

 

Rédigé par Métie Navajo

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